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…courrier des lecteurs…

chers amis, bonjour!

depuis le retour des vacances, le courrier s’amoncelle. de nombreuses questions via le blog ou le forum sont restées sans réponse et je m’en excuse. j’ai été un peu occupée en septembre 😉

j’essaie en général de grouper les questions et de les classer. avec le temps, on constate que les interrogations sont quand même un peu toujours les mêmes, on tourne souvent autour des mêmes sujets en fonction du temps passé depuis le diagnostic. donc, un peu comme dans les recettes sur marmiton, ici vous aurez…1 gélule, 2 gélules ou 3 gélules. ben oui, sur marmiton, ce sont des toques, ici, ce sera des gélules 🙂

1 gélule: je débute dans la maladie. 2 gélules, je commence à être rodée mais je me laisse surprendre. 3 gélules: je suis au top, j’ai des questions expertes.

mouhahhahahahaha. pardon, faut bien rigoler un peu. j’entends d’ici les grincheux se lamenter sur ma dérision, qu’ils tracent leurs route…

entrons donc dans le vif du sujet: questions 1 gélule “comment je réponds aux gens qui me disent que j’ai pourtant l’air en forme et que les vacances ont du me faire du bien?”

comme d’hab, je vous invite à relire certains de mes posts où devrais-je dire, la réponse dépend de votre humeur. partons du principe que c’est une question de quelqu’un de gentil qui s’intéresse vraiment à vous. la réponse la plus appropriée serait “la maladie hélas de prend pas de vacances, que forcément baisser l’activité repose un peu, que le soleil donne bonne mine mais qu’à l’intérieur, c’est toujours le même bordel…” c’est en général assez efficace.

question 2 gélules ” j’en ai ras le bol qu’on me dise de me secouer un peu voire que l’on me demande si je ne suis pas dépressive pour être tout le temps fatiguée”

bien, bien, bien. double peine, chère gélule n°2! là, vous êtes à un stade où la réponse doit claquer un peu plus…c’est l’inverse d’activia nous, tout ce qui se passe à l’intérieur ne se voit pas à l’extérieur! expliquez qu’être atteint d’une maladie inflammatoire fait que le corps est tout le temps en surchauffe, en lutte permanente contre un ennemi invisible. donnez toujours l’exemple de la grippe…fatigue, courbatures et douleurs musculaires, vertige et maux de tête. attendez le regard dubitatif du bien portant qui a du mal à comprendre. pour le côté dépressif, prenez le temps de dire va te faire foutre que non, vous n’êtes pas dépressive mais que cette maladie chronique ferait néanmoins déprimer un bataillon de légionnaires en permission et qu’il faut une sacré dose de moral pour ne pas plonger. alors il s’agit bien là de quelque chose de certain: les malades chroniques comme nous sont tout sauf dépressifs car ils ne se lèveraient plus du tout sinon! là où le système est biaisé pour nous, c’est que personne n’irait dire à quelqu’un en fauteuil “alors, ça roule?” ou à un sénégalais “t’as pas l’air en forme, t’es tout pâle”

question 3 gélules, là, ça devient nettement plus hard. j’ai rassemblé les questions 3 gélules mais je répondrai à certaines en privé. je me rends compte que les 3 gélules doivent gérer non seulement le quotidien des 1 et 2 gélules mais l’aggravation de la maladie et tout ce que ça entraine.

je n’en retiendrai qu’une, à qui je peux répondre en toute connaissance de cause. vous me connaissez, l’autodérision et l’humour noir étant souvent mon exutoire, mais pas là.

il y a des virages dans la maladie et la question 3 gélules de Séverine m’interpelle particulièrement: “je viens de recevoir ma mise en invalidité de la sécu. je viens de réaliser que je suis vraiment malade. comment je vais faire face? comment gérer psychologiquement?”

well, well, well.

je ne suis pas psy, vous le savez. je ne suis pas médecin non plus. mais si vous vous tournez vers moi, c’est que vous avez besoin de parler, de dialoguer. je ne peux vous proposer que partager quelques pistes de réflexion qui vous feront dire que vous n’êtes pas seule et que d’autres ont réussi à traverser ce cap avant vous.

en tant que patiente-experte, j’aurais pu tenter un cours magistral sur les poussées évolutives de la maladie, je ne pense pas que c’est ce dont vous avez envie. là où vous en êtes, vous savez tout ça. au final, je ne sais pas grand chose de vous mais je sais juste que la maladie vous a coupé les ailes en plein vol, que vous étiez promise à une belle carrière et que vous n’avez rien vu venir. qu’il vous faut ré-organiser votre vie et que ça n’est pas simple. je ne pense pas me tromper en affirmant que vous êtes depuis quelques temps en mode autruche, vous saviez que ça allait tomber mais vous ne vouliez pas trop trop le voir, non?

alors, sans aucune prétention, je vais vous dire comment j’ai vécu moi même les récentes semaines où j’ai du accepter le mi-temps thérapeutique.

cette décision fait souvent suite à un tourbillon d’examens, de radios, d’IRM et j’en passe. 3 hospitalisations en septembre, des litres de perfusion, des tonnes de trous dans les bras. à chaud, on ne se rend pas compte. à froid, on se dit “ouf, je vais quand même souffler un peu”. et puis, on se raisonne: “le boulot, c’est pas la vie”, “je vais avoir plus de temps à consacrer à ma famille/ la broderie/ hector le poisson rouge”… et puis on organise le tout avec plus ou moins de difficultés.

et arrive le jour J. le premier matin est fantastique, on a l’impression de faire l’école buissonnière, d’avoir pris un RTT. ouah, tout ce qu’on va pouvoir faire!!! et puis la journée passe. sans qu’on ait vraiment rien fait, parce que la maladie est bel et bien là et qu’on est quand même moins en alerte à la maison que sur speedée au boulot.

alors à 15h, on le prend pleine tronche et oui, là, c’est la déprime. ce que l’on s’efforce d’occulter le reste du temps, cette bataille forcenée pour faire “comme si” est perdue. je ne vais pas vous mentir, que vous soyez en mi-temps ou complètement arrêtée, c’est lourd psychologiquement. Séverine, accordez vous du temps pour digérer. c’est tout frais, c’est normal. vous vous êtes acharnée pendant des années, vous ne pouvez pas espérer tourner cette énorme page du jour au lendemain. et surtout, surtout, laissez vous aller, pour une fois, je vous interdis le coup de pied au cul. cette démarche est comme un deuil. le deuil de la vie d’avant. et un deuil, ça prend du temps. ne comptez pas sur moi pour vous dire “vous allez voir, ça va être génial, ça va être un nouveau départ”. mon cul  mon oeil et je vous interdis formellement de le croire. c’est faux. la maladie a gagné une bataille, c’est un fait et comme le titre de ce blog l’indique “faut vivre avec”.

alors quoi me direz-vous? alors rien. trainez en pyjama toute la journée autant de jours qu’il faudra. ne prévoyez surtout rien de rien jusqu’à ce que l’envie de faire reprenne le dessus. groupez vos RV médicaux sur 2 ou 3 jours dans la mesure du possible pour ne pas avoir l’impression de ne faire “que” ça. et je suis sûre, qu’un matin ou un après midi, y’a un truc qui vous motivera. tiens, vous savez quoi? je vous donne un challenge. je sais qu’octobre va être compliqué pour vous mais je vous propose qu’on se reparle le 1er novembre. vous me direz alors ce qu’il en est et ce que vous aurez prévu pour décembre.

et alors le 1er décembre, on se prendra toutes les 2 par la main autour d’un café si le coeur vous en dit et on prononcera ensemble cette phrase qu’il nous faudra accepter “bonjour, j’ai 44 ans et je suis invalide”

Séverine, je vous embrasse…et les autres aussi ❤