Ma chère Santé,
A l’heure des cartes de voeux et là où s’échangent des photos kitsch de moineaux par milliers, à mon tour de t’en envoyer une. Une question avant de démarrer: tu voudrais pas un peu de vacances?
Je pense que tu en aurais bien besoin, vu l’énergie que tu consacres à me pourrir la vie. Tu devrais néanmoins commencer à comprendre que quoi que tu m’envoies comme rouleau compresseur, je continuerai à contourner et trouver les meilleurs spécialistes pour s’en occuper. Je te rappelle que j’ai un des meilleurs internistes de la place de Paris, que mon neurologue est internationalement connu, que mon ophtalmo est juste un amour, que ma dermato est chef des enseignements de la fac de Paris. T’en veux encore???
Et tu sais aussi que tout ce qu’on me propose comme traitements, j’accepte. J’aurais toujours envie de faire face et j’espère te le prouver en janvier si je suis incluse dans un nouveau protocole: et paf, dans ta face.
Bon, j’admets que tu as souvent une longueur d’avance, dès qu’on trouve comment soulager un truc, tu m’envoies une autre merde. Tu t’ennuies ou quoi? Tu n’aimes pas la routine? Tu veux jouer à ça? OK, je peux jouer aussi…Faut que tu comprennes que là où tu t’amuses, je suis déterminée à te barrer la route pour mener une vie aussi normale que possible.
J’admets néanmoins que tu es très forte. Si, si…Il y a quand même des jours où tu gagnes, grave. Des jours où mes jambes tremblent, mon bras droit est fantôme, le côté gauche de mon visage est fâché avec le droit. Ces jours où se laver les cheveux est impensable…où se lever est une épreuve. Mais ces jours là, je reste tranquille sur le canap’, je récupère et je te laisse t’amuser. J’admets que tu lances une attaque sournoise sur mon système nerveux et musculaire et je cède. Mais je ne capitule pas. Jamais. Never. N’y pense même pas!
Je ne devrais pas te l’avouer mais dans ces moments là de fatigue et de douleurs intenses, c’est le découragement qui m’envahit. Mais je sais que je peux compter sur des gens pour m’écouter et me remonter. J’ai rencontré des femmes formidables via l’association de malades du Sjogren. Des personnes qui comprennent exactement ce que je ressens. Des personnes où tu n’as pas besoin d’expliquer car elles vivent pareil. Et que c’est bon de se sentir comprise et de savoir qu’on est pas seule car la solitude est un sentiment très inconfortable. Attention, je te vois venir, c’est pas du tout ce que tu crois: il n’est pas question d’atermoiement ou d’apitoiement. Plutôt de l’humour et de l’auto dérision. Comme avec mon mari chéri, homme de ma vie à qui je demandais de marcher moins vite ce matin au marché et qui me réponds ” t’as qu’à ramper plus vite, limace”.
Y’a juste une chose que je ne te pardonne pas dans ces moments là, c’est la culpabilité dont je n’arrive pas à me défaire…De ne pas pouvoir faire face parfois au quotidien, de devoir reporter ou annuler des choses prévues, quitte à décevoir des gens. De ne pas pouvoir satisfaire mon hyperactivité naturelle. Comme tu le sais, la tête va bien, merci, mais c’est très frustrant de vouloir et ne pas pouvoir. Avoir envie et ne pas y arriver, ça, ça fait vraiment chier.
Bref ma grande, comme tu vois, je ne suis pas prête à arrêter le combat mais je ne voudrais pas y consacrer toute mon énergie, j’ai bien mieux à faire!
Pis faut avouer que tu m’as quand même appris des choses aussi: profiter des moments de répit et les savourer, planifier les choses pour quand je pourrais, classer ses priorités, endurer bien plus que je ne le pensais, anticiper et accepter ses limites.
Sache ma vieille que tu vas en prendre plein la tronche en janvier, j’ai tous les bilans et contrôles prévus par mon Dr House personnel et j’espère vraiment bénéficier de ce nouveau protocole qui va te mater ta race. Crois-moi, tu seras la première prévenue! Alors, un dernier conseil, si tu veux prendre un peu de recul et aller voir ailleurs, tu peux…
Et si tu persistes dans ton hyperactivité, sache que le Père Noël m’a livré une paire de gants de boxe, ils trépignent…
Bien à toi,